Bonjour Bruno,
En tant que photographe? Je dirais que… bah oui, je dirais que je suis photographe, que…C’est difficile comme question ! Je suis photographe, je collabore avec des magazines depuis presque 25 ans et je considère mon travail plus comme du photo journalisme que de la photographie de mode finalement.
Pour te donner envie … Je te dirais d’arrêter tout de suite et de changer de métier ! (il éclate de rire) mais, par contre, pour ce qui est de ce qui m’a amené à faire ça, c’est une voie détournée.
En fait, c’est pas du tout l’amour de la photographie qui m’a amené à faire de la photo, c’est plus l’amour de la musique et du cinéma. La combinaison des deux m’a amené à devenir photographe de mode, c’est presque un hasard finalement !
Je travaillais dans une librairie à cette époque où justement je jouais de la musique, pas dans la librairie hein… mais à coté. J’utilisais mon travail à la librairie comme moyen de survie au niveau financier et je jouais de la musique la nuit, comme la plupart des musiciens d’ailleurs. C’était la seule librairie internationale, elle était dans le 14ème arrondissement, à coté des Studios Pin Up. Tous les photographes venaient chercher les magazines dans lesquels ils avaient des parutions, ce qui m’a amené à en connaitre plusieurs. J’avais tous les bouquins de photos et d’art sous la main et la combinaison de ça plus l’amour des pochettes de disque – Bien que je n’en ai jamais fait paradoxalement- m’a amené à faire ce métier au travers d’une rencontre avec un photographe à qui j’avais montré des photos que j’avais faites de ma copine à l’époque, qui m’avait dit « écoutez il faut persévérer là-dedans parce que vous avez toutes les chances d’être photographe ». Il sous-entendait que j’avais un oeil pour la photo, mais j’aurais pu très bien avoir un oeil pour autre chose…Il s’est trouvé que ça a été la photo. Je me demande d’ailleurs, rétrospectivement, si je n’aurais pas été presque meilleur comme Directeur Artistique, c’est un grand mot, mais en tout cas pour diriger d’autres photographes qui réalisent les images que moi j’ai envie de faire.
Et bien que je suis passé plusieurs fois sous l’eau (il rit) et que j’ai résisté ! Pour un appareil photo, surtout numérique, là y’a un vrai truc !
Aucune… Et je dis pas ça par fausse humilité ; j’ai toujours gardé cette phrase d’Helmut Newton, avec qui j’ai eu la chance de partager une journée dans le cadre d’un concours organisé pour un « Mois de la photo » , « Ne cherchez pas mon travail personnel, il n’existe pas, il est dans les magazines ». Je trouve que c’est vachement bien parce que – je trouve beaucoup de choses en ce moment! (il rit) – je trouve qu’il y a plein de gens qui débordent avec ça et qui exposent tout et n’importe quoi et spécialement eux mêmes dans tous les registres et c’est un peu obscène. Je ne me suis jamais considéré comme un artiste en fait… L’idée c’est que j’exécute des commandes, c’est ça qui me plait. Mon travail ne mérite donc pas d’être exposé où que ce soit, il mérite d’être publié dans les magazines puisque c’est ce qu’on me demande .
Il y en a plus que trois évidemment … Je vais donner les premiers qui m’ont bousculé… Les Sex Pistols, ensuite Federico Fellini et plus prêt de nous, même si c’est pas très récent car tout à tendance à devenir vintage très vite, David Lynch.
Tu pourrais m’expliquer pourquoi eux ?
Les Sex-Pistols par ce que déjà il y a une révolution culturelle au niveau du graphisme et puis ces personnalités me passionnaient, ils étaient irrévérencieux. Tout à coup ils ont dit « tout ce qui a été fait avant c’est de la merde et nous on va faire un truc nouveau qui sera génial ». C’est hyper prétentieux quand on y pense, mais finalement ils y sont arrivés en révolutionnant l’art moderne en y apportant une touche de ce que j’aime le plus dans l’art moderne, en l’occurence l’étrangeté. Tout ce qu’a fait Malcom Mclaren avec eux, c’est à dire le graphisme, l’image et ça c’était inspiré directement du Dadaïsme, le lettrage, les couleurs, ça reprenait presque le flambeau là où Andy Warhol l’avait laissé.
En ce qui concerne Fellini et David Lynch on est vraiment dans le concept de l’étrangeté et d’ailleurs pour en revenir à mes images, au moment où j’ai essayé de l’insérer dans mes photos, j’ai commencé à vachement moins travailler. c’est quelque chose qui est presque subliminal… Il y a un essai de Freud qui s’appelle « l’inquiétante étrangeté » ça reflète exactement ce que doit être et ce qu’est en ce moment, l’art moderne. Comment une situation domestique devient dérangeante. C’est là où la photographie pour moi, est interessante. Fellini je pense qu’il est né avec …
Heuuu…. Y’en a fatalement trop… Il y en a un qui serait pas mal, ce serait d’être immortel mais il est moyennement interessant dans la mesure où les gens autour de nous mourraient … faudrait être vraiment beaucoup à être immortels parce que ça n’aurait de sens que si rien ne bougeait. Si tous les gens que tu aimes et qui t’aimes disparaissent, je me demande si tout à coup l’idée d’immortalité, en l’occurence rattachée au paradis, ne deviendrait pas l’enfer ! (Il rit)
La luxure ! C’est le plus marrant (il rit).
Que j’ai faite ? Là il y en a quand même pas mal … Ahhhh , je m’étais amusé un jour en Normandie, mes parents n’étaient pas là, à décapiter des poules avec un lance-pierres… J’étais assez bon au lance-pierres, j’en avais décapité pas mal.. et j’avais peur que le fermier dise à mes parents que j’avais fait un véritable carnage …
Je ne les connais pas très bien mais fatalement avec le coté noir du truc, Batman !
Un système éducatif où tout le monde pourrait avoir accès à la culture et pourrait s’intégrer dans la société avec un esprit critique.
Je dirais que j’ai choisi une passion, la musique, qui va à l’encontre de mon métier de photographe. Quand j’ai commencé la photo, j’ai lu pas mal d’essais sur la photographie et j’étais tombé sur cet essai d’Henry Cartier Bresson, qui disait que capturer un moment dans la photo, lui qui généralement shootait une vue sur un sujet, était vraiment un truc particulier car tu arrêtes le temps, l’obturateur fixe le temps. Il y a un rapport avec l’existence qui est hyper morbide je trouve là dedans, car il y a des gens qui se satisfont par exemple d’arrêter le temps, de contempler ce qui n’est plus, ce qui a été …. Bon et c’est exactement le contraire de la musique, car la musique c’est volatile, c’est dans l’air , c’est impalpable. Quand on en joue, il y a un autre phénomène qui se passe, qui est assez intéressant, c’est que l’interprétation d’un morceau un soir, pourra être complètement différente le lendemain. La musique ouvre l’imagination quand pour moi la photo la ferme car c’est terminé.
Un slip ! (Il éclate de rire) J’aime pas être à poil !
De bien gagner ma vie !
Merci Bruno!
Caroline Seroussi