JUIN 2018 – VINCENT JUNIER – PHOTOGRAPHE
Bonjour Vincent;
Vincent commence l’interview en riant. « Qu’est-ce que je dirais de moi…Je n’en sais rien. Je suis un touche à tout. J’ai commencé la photo hyper tôt, vers 17 ans. j’ai fait de la photo pendant une douzaine d’années. Puis j’ai pris un autre chemin, le graphisme, que j’ai exercé pendant 20 ans. Et là je reviens à la photo….à la demande d’un client ! Je conceptualisais des projets pour lui mais comme je ne sais pas dessiner je les shootais. Petit à petit il s’est avéré qu’il aimait beaucoup plus ce que je faisais en terme de photos que ce qui était shooté pour lui par d’autres. Il m’a tanné pour que je reprenne la photo. Au départ, je n’ai pas voulu et puis finalement j’ai racheté tout le matériel et je m’y suis remis (il rit)… Je suis plutôt content d’avoir recommencé (il marque une pause)… J’avais arrêté la photo d’une manière un peu dramatique…j’ai tout brulé, j’ai eu une crise, j’ai brulé mes négatifs, j’ai juste conservé des portraits d’artistes que j’ai donné à Beaubourg, tout le reste est passé à la benne. »
« J’ai toujours voulu faire de la photo. Depuis que je suis tout petit. Le père d’un ami était photographe de natures mortes et j’adorais aller dans son studio, l’ambiance qu’il y avait, je voulais faire ça. J’ai commencé en faisant des photos chez moi, des reportages dans Paris. J’ai eu la chance de rencontrer quelqu’un de la Galerie Adrien Maeght qui connaissait énormément d’artistes et petit à petit il m’a filé son carnet d’adresse. J’ai côtoyé des grands peintres contemporains, fini par les photographier et ensuite shooté des écrivains, des designers, des hommes politiques, des chefs d’entreprise et je faisais aussi un peu de natures mortes. Ma première publication était dans Beaux-Arts Magazine et c’est celle qui m’a rapportée le plus! (il rit). En commençant très jeune, je n’avais pas les armes face aux clients pour m’affirmer et petit à petit ce relationnel un peu difficile m’a bouffé, m’a empêché de faire ce que je voulais. »
« J’étais assistant à l’époque du photographe René Jacques qui avait aussi des parts dans une agence de com’ et petit à petit il a eu besoin outre les photos, de Direction Artistique pour son agence, j’ai mis le pied à l’étrier, comme ça tout doucement et je suis resté dans cette agence durant 4/5 ans . Ensuite j’ai été débauché par le magazine Best où je suis resté deux ans, puis l’ancienne directrice de Vogue qui travaillait en France a vu mon travail sur Best. Elle ne connaissait pas le monde de l’informatique et elle m’a demandé de l’aider à opérer ce passage pour elle; Le fait de travailler pour son magazine féminin m’a ouvert d’autres portes. À partir de là j’ai été maquettiste, directeur artistique, assistant directeur de création, directeur de création, j’ai fait tous les échelons! (il rit) »
« C’est un peu ce que je vis au quotidien, les problèmes de société, tout ce qui se passe dans l’air du temps, tous ces trucs là… c’est un mélange. Je suis nourri de mon expérience quotidienne, les interactions avec les autres. Pour la photo je suis inspiré par les fonds blancs, j’aime les photos simples et sobres. J’ai du mal avec les retouches excessives, les montages avec beaucoup de layer, j’aime les choses qui sont faites en une seule fois, tout du moins tenter de faire le plus simple possible…Une économie de moyens »
« D’un côté, c’est beaucoup plus simple parce qu’on a le résultat tout de suite, pas l’angoisse de l’attente de sortir du labo en se demandant si on a raté son shooting, si on a pas mis le film à l’envers etc … Mais de l’autre c’est beaucoup plus complexe parce qu’il y a plus de possibilités et savoir où s’arrêter c’est pas toujours évident! Il y a aussi le fait que ça complique la lumière car ça ne répond pas de la même manière. C’est plus souple et moins souple à la fois . On fait beaucoup de choses en post production, avant les possibilités étaient plus limitées une fois les clichés pris »
C’est les rencontres, soit des clients, soit les gens que j’ai photographiés… Les rencontres humaines.
« Un choc artistique? … Ouais..la dernière exposition de David Hockney par ce que je connaissais son ancien travail et j’ai été vraiment bluffé par ses derniers tableaux, l’utilisation de la couleur, son travail sur les perspectives.. c’est assez étonnant. »
» Il est avec moi même…(il rit) C’est la confiance en moi même et (il est ému) la critique que je peux faire sur mon travail qui est permanente et c’est un défaut et une qualité mais parfois franchement un défaut…Douter de toi en permanence c’est compliqué. Le problème c’est que comme je suis autodidacte, j’ai tout appris sur le tas, la photo, le graphisme, j’ai fais des études en Arts plastiques mais ce n’est pas ça qui m’a aidé au quotidien. En tant qu’autodidacte tu as toujours des failles qu’il faut combler en permanence, toujours apprendre… »
Les grandes luttes, les grands rassemblements de masse… Quand les hommes se rassemblent pour un objectif commun, un esprit de communion. »
« Quel sujet …. j’aimerais réussir à faire le passage entre collages et photographie, pouvoir lier les deux. Pour le moment je fais des essais mais je ne suis pas encore tombé sur quelque chose dont je sois content. j’aimerais bien aussi faire des nus, mais ça c’est pareil, je n’ai pas encore rencontré le moment »
» Vivants ? ha! (il éclate de rire et je lui dis qu’il peut aussi choisir des artistes décédés). Je parlais de David Hockney tout à l’heure, il y a aussi Gilles Caron… Je vais essayer d’en trouver un vivant quand même!. Non.. bah ce sera un mort! Hilton Mc Connico, c’est un designer, photographe, un touche à tout qui a travaillé très tôt pour Yves Saint Laurent, Hermès, qui a été metteur en scène…J’ai eu la grande joie de travailler pour lui pendant 2 ans, un homme avec un cœur énorme, une inspiration hallucinante avec toujours une idée sur le feu et tout ça jamais dans le stress et avec beaucoup de considération pour les autres . »
« .. Non je crois que je n’en serais jamais capable (beaucoup d’émotion se lit dans son regard). Si… il y a un portrait assez exceptionnel d’un écrivain, poète et photographe : Denis Roche (il se racle la gorge). Ce portrait là est très représentatif de ce qu’il était, en phase avec le moment que l’on a partagé. C’est une photo qui a été faite avec une petite lampe de chevet, il faisait très sombre dans son appartement, la photo n’est pas nette, il est complètement échevelé! »
» Ma pire bêtise d’enfant …. (il rigole)… ahhh incendie! J’ai mis le feu.. involontairement … C’était une grosse bêtise! Je jouais avec des allumettes, c’est tombé sur le foin et j’ai mis le feu …À la campagne, j’étais très jeune, j’avais 6/7 ans, j’étais totalement inconscient ! Comme quoi il ne faut pas jouer avec les allumettes! (il rigole). »
» Surfeur d’argent … j’ai toujours bien aimé ce personnage qui n’arrive pas à trouver son chemin entre les marges et la société, ça correspond assez à ce que je suis (il éclate de rire) »
« Un film qui m’a marqué mais qui n’est pas récent : »M le maudit » de Fritz Lang… L’usage des perspectives dans les décors afin de mettre le spectateur dans une ambiance …. pas très sympa. L’usage du noir et blanc, le jeu d’acteurs, le jeu des symboliques… C’est un film réellement très très chargé, c’est un vieux film qui est à voir! »
» J’emmène des outils (il rigole), pour ne pas être pris au dépourvu, pour construire un abris, parce que je vais pas le faire avec mes petits doigts ! Mon petit côté pratique… »
« Il y a une rangée de bouquins que je commence, que je ne finis pas, que je reprends après, j’en ai toujours deux ou trois. Il y a des statues de Ganesh, des statues Africaines… Des bouquins et des statuettes en fait. »
« C’est pas mal ça … la femme c’est pas mal, mais c’est déjà fait! (il éclate de rire)… La nature… c’est indispensable et dedans tu inclus la femme! (il rigole) »
« Que ça marche »
Merci Vincent
k@ro’online