Grégoire Mahler – Photographe

27 septembre 2018
Grégoire Mahler – Photographe

Bonjour Grégoire,

Peux-tu te présenter rapidement ? 

Je suis photographe, un peu touche à tout… Je vais aussi bien vers les reportages, que vers la mode, vers la beauté et je n’aime pas être enfermé dans une boite (il sourit).

Peux-tu me raconter ton chemin professionnel? 

En fait je suis arrivé à la photo par le cinéma (il rit). J’étais en fac de sciences… Rien à voir (il rit) … Je m’ennuyais comme un rat mort. Je me suis donc dit que j’allais faire du cinéma. J’ai tenté la Femis et Louis Lumière obligé de faire de la photo, ce que je me suis donc mis à faire. Je n’ai été retenu ni à la Femis ni à Louis Lumière mais j’ai du coup commencé à faire de la photo et à faire mes tirages argentiques. J’ai tenté l’année suivante une école de photo et une école d’audio-visuel à Toulouse. J’ai été accepté à l’école de Photo.

Le parcours est assez étonnant .. Tu faisais quoi en sciences?  De la physique? De la chimie? 

J’ai commencé par un deug de Chimie, et comme ça m’a saoulé, j’ai fait une Licence de physique théorique (il rit) , tout aussi saoulant! En fait à partir de la fin du DEUG j’en avais un peu marre des sciences. Au final la photo c’est assez technique, donc je m’y retrouve sur cette alliance technique/artistique.

Quel est ton pire souvenir de débutant ? 

Pas évident … Mon pire souvenir en fait, je crois que c’était … je ne me souviens plus du tout de la marque, je sais que c’était de la mode. On a commencé à shooter et on avait, je crois, 12 silhouettes à faire. À la fin de la 2ème, je me suis rendu compte que j’avais oublié de mettre la carte dans l’appareil (à l’époque, c’était le tout début du numérique et on shootait encore sur carte), discrètement j’ai dis « oh, il y a un truc qui ne me plait pas sur les premiers visuels on va recommencer ! » On a recommencé les 2 silhouettes et on a réussi à rattraper le coup! C’était un peu tendu et j’ai eu un coup de chaud ! (il rit) .

Ton plus beau souvenir professionnel? 

À un moment donné de ma carrière, j’ai été contacté par un directeur de la communication d’une grosse boite pharmaceutique qui voulait utiliser mon talent de portraitiste pour faire une exposition sur la maladie du sommeil.  il m’a envoyé au Chad alors que j’étais dans l’univers de la mode… rien à voir… pour faire des portraits. C’est un souvenir assez fort parce que c’est un des premiers boulots bien payé que j’ai fait. J’ai ensuite fait une expo au Cirque d’Hivers avec ces mêmes photos, je crois que cela a vraiment été une révélation parce que d’un seul coup je faisais des portraits en travaillant ma lumière comme si j’étais en train de faire de la beauté, mais sur des gens qui, soit étaient malades, soit allaient mourir… La force de leurs regards… c’est ça qui m’a vraiment marqué. Par la suite et toujours maintenant, j’ai quelques missions de photo reportage en lien avec cette expérience. Finalement ils ont trouvé intéressant cette manière de cadrer dans les visages, ça ne se faisait pas trop à l’époque, c’était très standardisé, comme d’ailleurs cadrer à la verticale.

Quel est ton plus grand choc artistique?

Humm…Alors, à mon avis c’est parce que c’était dans mes premières expos, que j’étais étudiant et que du coup … ça marque. C’était une expo d’Anish Kapoor au CAPC de Bordeaux, de l’art contemporain donc un peu obtus… Il y avait vraiment quelque chose de physique, il travaillait sur le vide à l’époque… il y avait ce grand trou … et j’ai trouvé ça vraiment beau, tout me plaisait. Il arrivait à envoyer des émotions …

D’après toi qu’elle est la meilleure photo que tu ais faite? 

C’est compliqué ça (il rit) … Tu me donnes deux minutes que je réfléchisse? … En fait il y a plusieurs registres. Dans le boulot, Je pense à une image que j’aime bien parce que j’ai toujours aimé les expérimentations en photo. J’ai fait une série de sur impressions où j’ai associé une forêt, je crois que c’était dans la vallée de Yosemite, avec une femme. À l’époque je cherchais quelque chose qui colle à l’esprit de Mulholland drive, quelque chose d’un peu étrange et que je trouve assez réussie cette sur impression parce que du coup ça raconte un truc un peu cinéma et ça me plait. Je trouve qu’il y a quelque chose d’inquiétant dans cette association alors que les deux  mis à part son assez jolis. Elle raconte une histoire et pour moi la photo doit raconter une histoire et elle me représente pas mal car à la fois je peux être en studio et en même temps partir en reportage. Quand j’ai commencé ma carrière il y avait vraiment cette dichotomie entre la vie réelle et la vie rêvée.

Quel est le sujet photographique sur lequel tu aimerais travailler ?

Il y a un sujet …. J’étais parti au Sénégal et j’ai vu là-bas des lutteurs sénégalais; j’adorerais faire ça … C’est très visuel et ces mecs sont tellement énormes, que visuellement ce serait vraiment très fort. Ensuite j’aimerais bien mené un autre sujet à terme, mais celui-là je n’en parle pas encore (il sourit).

Qu’est ce qui t’émeut particulièrement dans la vie ?

La gentillesse gratuite… ça, ça m’émeut …(il fait silence). Quand tu as quelqu’un qui est juste gentil, sans intérêt, et qui va donner du temps aux autres. 

Quel est le dernier film qui t’a marqué et pourquoi? 

J’en mange tellement des films… Il y a un film qui dernièrement m’a marqué, qui m’a pris aux tripes, c’est le film de Tom Ford « Nocturnal Animals « ; en fait je suis complètement rentré dedans. Il est esthétiquement magnifique, c’est un thriller assez dur, j’ai pas forcément aimé la fin mais tu es pris aux tripes. Tom Ford arrive à faire un sujet fort où la plastique est magnifique.

Ta pire bêtise d’enfant ? 

(Il éclate de rire) J’étais parti dans le cadre d’un échange avec les États Unis et je devais normalement être en immersion dans une famille, sauf que là, ils n’avaient pas trouvé assez de familles pour tout le monde. On était donc un petit groupe de Français ensemble dans la même famille. Un soir, on s’est retrouvé, on a commencé par voler de l’alcool dans une famille, on se baladait dans la rue en picolant. Nous avons rapidement été souls, on était jeunes (il rit), et un de nous a commencé à arracher des insignes de voitures tout en disant qu’il allait les ramener en souvenirs. Je me suis alors dit que moi aussi j’allais rapporter un souvenir et j’ai décidé de prendre une plaque d’immatriculation. J’ai donc commencé à en arracher une, une vielle plaque sur un vieux camion, en me disant que ça serait pas trop grave (il rigole). Ça a fait un boucan d’enfer dans la rue et quelqu’un est apparu à une fenêtre en criant quelque chose que je n’ai pas compris et a commencé à nous courser avec une batte de baseball. On a réussi à le semer mais une voiture de police est arrivée et s’est arrêtée à notre niveau (il rit); je me suis donc fait arrêter et j’ai passé la nuit en prison! Il y a eu un procès derrière mais tout s’est bien passé, ça m’a un peu marqué quand même (il éclate de rire).

Si tu étais un super héros, ce serait lequel? 

Ah… Ça c’est dur parce qu’ils sont nombreux. En fait j’hésite … J’hésite avec Superman parce que quand j’étais petit c’était Superman et si j’ai pu m’associer avec quelqu’un c’était lui. Il est sympa et fort. Si ce n’est pas lui, pas parce que je m’identifie mais parce que ça ferait délirer mon petit neveu, ce serait Ironman, juste pour voir sa tête si il découvrait que c’était moi (il éclate de rire).

Seul sur une île qu’est-ce que tu emmènes? 

Moi j’emmène ma femme et ma fille déjà, après ce qui serait très utile c’est une liseuse avec tous les bouquins de physique, d’anatomie (il rit), une liseuse avec toute la culture que je peux emmener, histoire de pouvoir trouver si je cherche quelque chose…Pouvoir me cultiver!

Qu’y a t-il sur ta table de nuit ? 

Une liseuse (il rit), je suis passé à la liseuse. En ce moment je lis   «  Le livre tibétain de la vie et de la mort »; en gros c’est un livre qui t’explique comment mieux mourir. C’est un ami qui me l’a conseillé. C’est par moment obtus, il faut le lire 5 ou 6 fois pour réussir à bien capter mais je trouve ça intéressant de tenter de dédramatiser la mort.

Quel est ton loisir préféré? 

En ce moment ? … Je me suis mis au golf il y a deux ans et ça me plait. C’est un sport de perfectionnistes et ça me va pas mal et en même temps on se balade et c’est beau (il sourit). 

 « Et dieu créa la femme », qu’aurais tu créé toi? 

Humm, qu’est-ce que j’aurais aimé créer? La vache! C’est super dur! La femme c’est une super création! humm….La nature! C’est une telle source d’inspiration, c’est un puit sans fond.

Et enfin, qu’est-ce que je peux te souhaiter de meilleur?

Pour le futur? Que je continue à être toujours aussi passionné, touché par les choses, que je ne devienne jamais un blasé aigrit (il éclate de rire) et que je fasse des projets qui m’emportent de plus en plus.

Et bien c’est ce que je te souhaite! Merci Grégoire!

Caroline Seroussi

Photo : Grégoire Malher